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R.E.P. Erland Josephson ou quelques réflexions sur les ressemblances entre le travail de l’acteur et celui de l’écrivain…
Samedi dernier, le grand acteur suédois, Erland Josephson, est mort. Il était l’acteur fétiche d'Ingmar Bergman, jouant souvent son alter ego à l’écran. Liv Ullmann, actrice, muse de Bergman et réalisatrice, disait de lui en 2003, qu’il était son meilleur ami dans la vie comme à l’écran : « Nous pouvons mettre nos âmes à nu l’un devant l’autre » disait-elle avec émotion. Il était âgé et avait vécu une vie d’une immense richesse, mais sa mort m’a quand même attristée, car un de nos grands artistes a disparu et que la richesse accumulée au cours de son existence pleine d’une créativité sans compromis est désormais perdue. Nous avons heureusement ses films et ses écrits, son héritage laissé au monde.
Le décès de Josephson m’a aussi fait réfléchir aux lienx entre l’expérience de l’acteur et celle de l’écrivain, liens qui m’ont frappée il y a quelques années alors que je travaillais en tant que scénariste avec deux excellents acteurs, dont les réactions et l’expérience de la création m’avaient frappée comme très proches des miennes. L’un d’eux voulait tout savoir sur son personnage avant de se lancer dans son travail d’acteur. Elle désirait étudier toutes les facettes de son personnage en détail et me posait de nombreuses questions sur ses profondeurs psychologiques, cherchant dans sa propre vie et dans celles de gens qu’elle connaissait des points de contact, des repères, d’où elle pourrait donner vie au personnage. L’autre, en grand contraste, ne posait quasiment aucune question et se fiait entièrement à son instinct qui lui dicterait comment agir le moment venu. Nous avions tous les trois le même but : la création de personnages vrais et convaincants, qui parleraient directement aux spectateurs. Travailler avec ces deux acteurs me montra que leurs deux méthodes apparemment opposées existaient simultanément en moi et que leur expérience de la création se rapprochait extraordinairement de la mienne.
Lorsque Erland Josephson a tourné avec Bergman, on peut penser qu’il s’est plongé dans ses propres profondeurs psychologiques et dans celles des gens qu’il connaissait, les films de Bergman étant profondément ancrés dans les complexités des relations humaines. Cependant, lorsqu’il a travaillé avec Andrei Tarkovski (dans les deux derniers films de ce dernier, «Nostalghia» et «Le Sacrifice»), je ne peux m’empêcher de penser que c’est ailleurs qu’il a dû aller chercher son inspiration pour pouvoir incarner aussi superbement le christique Domenico et l'héroïque Alexander, dans une réserve spirituelle profonde et universelle, là où existent les archétypes et « l’Homme Éternel ».
Similairement, et en toute humilité, je sens en moi ces deux aspects, le personnel et l'universel, le psychologique et le spirituel, telles deux lumineuses sources d’inspiration. D’abord, bien sûr, lorsque j'écris, il y a moi et mon expérience, ainsi que celle des nombreuses personnes rencontrées au cours de ma vie; c'est l’aspect rationnel de ma recherche pour mes personnages. Mais il y a aussi ce qui me permet d’aller plus loin, de pouvoir devenir aussi bien un petit garçon qu’une très vieille dame : une sorte de fond ancestral et universel, proche de ce que Carl Jung appelait « l’inconscient collectif », là où s'inscrit toute l’expérience humaine. Là où l’on peut tout comprendre et tout vivre, la source inépuisable de l’empathie et de la créativité, ouverte à quiconque accepte de s’y plonger.
Erland Josephson, Ingmar Bergman, Andrei Tarkovski et tous les grands artistes qui nous ont permis (et continuent de nous permettre) de comprendre un peu mieux ce que cela signifie d’être humain, paix à vos cendres et un immense merci !
PS : Si vous êtes intéressés par la lecture d'une analyse fascinante et détaillée (en anglais) de l’expérience d’acteur, je vous recommande le blog de l'acteur et réalisateur, James Devereaux : www.thegreatactingblog.posterous.com
R.I.P. Erland Josephson or a few thoughts on the similarities between the actor's and the writer’s work...
Last Saturday the great Swedish actor, Erland Josephson, died. He was Ingmar Bergman’s favourite actor, often playing his alter ego on screen. In 2003 Liv Ullmann, a talented actress and director as well as Bergman’s muse, said of him with great emotion that he was her best friend in life and on screen and that "We can undress our souls in front of each other". Josephson was elderly and had lived an extremely rich and fulfilled life. His death, however, saddened me because it meant that one of our great artists had disappeared and that the wealth of uncompromising creativity and experience he had accumulated during his long life was now gone. Fortunately we still have his films and his writings, his legacy to the world.
Josephson's death, moreover, made me think about the links between the experience of the actor and that of the writer. A few years ago when I worked as a screenwriter with two talented actors, their reactions and experience of creation struck me as very close to mine. One had to know everything about her character before embarking on her acting work. She studied all aspects in detail and asked me many questions about the psychological depth of the character, searching her own life and that of people she knew for contact points or benchmarks from which she could give life to the character. The other actor, in great contrast, hardly asked any questions and completely trusted his instinct which would tell him how to act when the time came. We had all three of us the same goal: the creation of real and convincing characters, who would speak directly to the spectators. Working with these two actors demonstrated that their two seemingly opposite methods existed simultaneously in me and that their experience of creation was extraordinarily close to mine.
When Erland Josephson filmed with Bergman, one might think he turned to his own psychological depths and to that of the people he knew, Bergman's films being deeply rooted in the complexities of human relationships. However, when he worked with Andrei Tarkovsky in the latter’s last two films, "Nostalghia" and "The Sacrifice", I can’t help thinking that it's from somewhere else that he had to get his inspiration to embody so truly and powerfully the self-sacrificing Alexander and the Christic Domenico: from a place of deep universal instinct, of ancestral archetypes, where "Eternal Man" lives.
Similarly, and in all humility, I feel in myself these two tendencies, the personal and the universal, the psychological and the spiritual, like two luminous sources of inspiration. First, of course, there's me, my experience and that of the many people encountered during my life, embodied by the rational aspect of my research for my characters. And then there is also what allows me to go further, to be able to become a little boy or a very old woman: a sort of ancestral and universal well, similar to what Carl Jung called the "collective unconscious", where all human experience is recorded. Where we can understand and experience everything: an inexhaustible source of empathy and creativity, open to anyone willing to plunge into it.
Erland Josephson, Ingmar Bergman, Andrei Tarkovsky, and all the great artists that have allowed us to understand a bit better what it means to be human, R.I.P. to you all and thank you again and again.
PS: if you're interested to read a fascinating and detailed analysis of the acting experience, I recommend the blog of talented actor, writer and director, James Devereaux: www.thegreatactingblog.posterous.com
HAPPY WORLD BOOK DAY!
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