Thursday, December 21, 2023

Bon solstice d'hiver à vous tous !

 



Chers amis,
 
Aujourd'hui, le 21 décembre 2023, nous nous trouvons hélas au plus profond de la nuit. Tout autour de nous règnent la haine, les divisions, la guerre, 
la remontée des intolérances et fascismes mais aussi la détresse profonde de notre environnement naturel, celle de notre Mère, la Terre.

La série "Les Maîtres de l'Orage" a été écrite comme une mise en garde contre la répétition du passé pour nous tous et surtout pour ceux qui refusent d'en apprendre les dures leçons. Lorsque les portes de l'Ailleurs se sont refermées à la fin de la série, nous savions que ce n'était pas pour toujours et que la vigilance devrait être continuelle pour les deux gardiens de l'Île Verte mais aussi pour nous tous.

En ce jour de solstice où l'appel de la lumière se laisse deviner au plus sombre de la nuit, je partage avec vous un extrait du troisième tome, La Voix de l'Egrégore : l'Appel. Il raconte ce qui arrive au protagoniste du présent (la série se joue sur deux époques), lorsqu'il assiste à un rituel païen très ancien : « le combat entre le Seigneur du houx, le Seigneur de l’obscurité, et le Seigneur du chêne, le Seigneur de la lumière. Ils sont frères, dans la légende, et se disputent toute l’année. L’un possède l’hiver et l’autre l’été. Au solstice d’hiver, c’est le Seigneur du chêne qui gagne. Au solstice d’été, c’est le contraire. » Cependant, cette fois-ci, le rituel est retourné à l'envers et rien ne va plus…

Ce passage me semble bien correspondre à cette période difficile que nous vivons, mais l'espoir ne doit jamais disparaître en nous car la lumière réussit toujours à vaincre les ténèbres lorsque les cœurs de femmes et d’hommes de bonne volonté se battent pour elle.

Bon solstice à vous tous !

La série des "Maîtres de l'Orage" est disponible en commande chez votre libraire ou sur les librairies en ligne, ainsi que sur Amazon en versions papier et électronique. Bonne lecture !

 

****************

 

"Arnaud avait la sensation d’avoir marché pendant des heures. Son corps entier le faisait souffrir car il avançait dans le noir, les sens en éveil et les muscles raidis. Ses bras étaient tendus devant lui pour éviter les obstacles et ses yeux étaient écarquillés pour tenter de voir le mieux possible. Il tendait aussi l’oreille mais en vain. Pourquoi n’entendait-il rien du tout, non seulement aucun son de voix venu du groupe de Tal, mais, plus inquiétant encore, aucun bruit d’animaux nocturnes ou de vent dans les branches. Juste ses pas sur le lit de feuilles sèches qui couvrait le sol de la forêt.

Quand la lune sortit des nuages, son corps entier se détendit et il s’arrêta. Il remarqua que les arbres autour de lui étaient énormes et se demanda où il avait pu s’égarer, car la forêt qu’il connaissait, replantée après la destruction de l’ancienne forêt à la fin de la guerre, était récente et n’avait pas d’arbres de cette taille. Malgré le froid, il transpirait. Quelque chose ne collait pas.

Au détour d’un bosquet, il se retrouva dans un endroit qui lui parut familier. La lune l’éclairait et quand il le reconnut un frisson d’angoisse le traversa. C’était la clairière du fantôme de Marwen. Il avait dû tourner en rond et malgré tous ses efforts il se retrouvait à l’endroit même d’où il voulait partir. Il regarda autour de lui et remarqua que, bien que ce soit la même clairière, la végétation qui l’entourait n’était pas la même. Au lieu des maigres bosquets qu’il connaissait, des arbres splendides, des chênes majestueux, la bordaient. Ici et là, aussi, de somptueux massifs de houx luisaient dans la pâleur lunaire, l’incarnat des baies comme des gouttes de sang contre le vert foncé des feuilles.

Un de ces massifs en particulier attira son attention car il semblait illuminé de l’intérieur. Malgré sa peur, Arnaud se sentit attiré par la plante irréelle. Quand il l’atteignit, elle ne lui sembla plus si extraordinaire, mais il eut la certitude que le lieu où elle se trouvait, baigné de lumière lunaire, était le lieu où il avait vu le fantôme du chien et de Marwen. Le chien avait creusé cet endroit avec ardeur, et le garçon fut pris lui aussi d’une soudaine envie de creuser. Il s’accroupit et se mit à arracher l’herbe et à gratter la terre encombrée de racines qui était dessous. Il était sûr que sa présence à cet endroit n’était pas un hasard et qu’il devait chercher ce que l’apparition lui avait signalé. À cette idée, sa peur s’évapora, remplacée par une curiosité passionnée. La tâche était difficile et il chercha une pierre ou un bâton pour l’aider à creuser.

Il ne progressait que lentement et bientôt la fatigue et la soif l’assaillirent. Il venait d’atteindre une sorte de dalle sous la terre et s’était égratigné la main en essayant de la déblayer. Elle devait contenir du quartz car elle scintillait comme un joyau et accrochait la lumière pâle. Il remarqua des taches sombres sur la dalle et réalisa avec effroi que c’était son sang qui gouttait sur la pierre. En hâte, il fouilla les poches de son caban et trouva un mouchoir froissé d’une propreté douteuse dont il entoura sa blessure. Quand ses yeux se reposèrent sur la pierre les taches de sang avaient disparu. Pourtant il était sûr… La fatigue et la pénombre le faisaient délirer.

Il se dit que c’était le moment idéal pour se reposer un peu en attendant l’aube qui ne devrait plus tarder. Il s’allongea sur la pierre, ses genoux repliés sur sa poitrine, son écharpe en boule sous sa tête, et se blottit comme il le put dans son manteau en laine. Sa tête et son corps lui faisaient mal. Il ferma les yeux juste pour les reposer un instant car ils le brûlaient. Dans le silence profond, il entendrait facilement si un intrus s’approchait. Mais, sans s’en rendre compte, l’épuisement ayant eu raison de lui, il sombra dans un sommeil lourd.

 

***

 

            Des cliquetis, des bruits mats de sabots piétinant le sol, et un souffle glacé sur son visage forcèrent Arnaud à ouvrir les yeux. Ses paupières étaient si lourdes qu’il dut s’y reprendre à deux fois. S’arracher au sommeil lui parut aussi difficile que s’extirper d’un marécage. Le corps paralysé et l’esprit embrumé, il voulut voir d’où venaient les bruits.

Deux chevaux, l’un noir et l’autre blanc, se faisaient face, chacun à l’extrémité opposée de la clairière dont les dimensions paraissaient beaucoup plus vastes qu’auparavant. De l’endroit où gisait Arnaud, les chevaux semblaient gigantesques. Chacun portait sur son dos un chevalier au costume d’un autre temps. Sur le cheval blanc, l’homme était drapé dans une immense cape blanche. Son casque coiffé d’une couronne de feuilles de chêne était surmonté de bois de cerf en or. De l’autre côté, comme un double sombre du chevalier blanc, son adversaire portait exactement le même costume mais tout en noir, et son casque surmonté d’andouillers en or était entouré d’une couronne de houx.

            La tête d’Arnaud lui faisait mal. Il essayait de comprendre la scène à laquelle il assistait. Les amies de Tal avaient visiblement décidé de suivre l’ancien rituel dont elles avaient parlé dans le bureau et avaient réussi à trouver tout ce dont elles avaient besoin en un temps record. C’était spectaculairement convaincant et réussi. Si Arnaud en avait eu l’énergie, il se serait levé et aurait applaudi, mais tel qu’il se sentait, écrasé de fatigue, il ne pouvait qu’apprécier le spectacle en silence.

            Une dame en long manteau noir, porté sur une longue robe blanche, apparut dans la clairière, nimbée de lumière. Son visage était voilé et elle portait une torche crépitante. Elle s’approcha d’Arnaud et il put distinguer, sous le voile, qu’elle était jeune et belle. Il pensa à la très séduisante Inga. Était-il possible que ce soit elle ?

La femme leva alors les bras vers le ciel et rejeta la tête en arrière comme si elle poussait un cri. Arnaud n’entendit rien mais les deux chevaliers durent entendre quelque chose car ils se tournèrent vers elle d’un seul mouvement. On aurait dit des jumeaux tant ils se ressemblaient, même taille, même silhouette, même costume, même réaction.

        Ce que la femme fit ensuite emplit Arnaud de terreur. Son regard s’abaissa froidement vers lui mais il eut l’impression dérangeante qu’elle ne le voyait pas. Puis elle baissa lentement sa torche enflammée en sa direction. Il ne pouvait ni crier ni s’enfuir, son corps, comme un poids mort, refusait de bouger. Il allait être brûlé vif. Le cœur affolé et une panique hideuse lui serrant la gorge, il ferma les yeux en attendant une mort horrible.

 

***

 

            Lorsqu’il ne ressentit aucune sensation de brûlure ou même de chaleur, il osa rouvrir les yeux. Il était entouré de flammes, mais il ne souffrait pas ; le brasier dans lequel il était allongé ne le brûlait pas, et il pouvait voir la clairière au travers comme en transparence ! Si c’était un rêve, il était différent de tous ceux qu’il avait eus jusqu’ici.

            Il sentit un soulagement profond l’envahir, calmant les battements de son cœur. Il essaya de bouger mais était toujours paralysé. Tout à coup, comme si elle sortait de son ventre, une boule de feu s’éleva. Elle tournait sur elle-même et ressemblait à de la foudre. Elle s’éleva à environ deux mètres au-dessus du brasier et, tout en continuant à tourner lentement sur elle-même, sa forme se précisa, s’affina jusqu’à ce qu’une étoile radieuse remplace la masse incandescente. Arnaud n’avait jamais connu jusqu’ici l’étrange extase créée par le mélange puissant d’émerveillement et de terreur.

      Quand l’étoile cessa de tourner, cela fut comme un signal pour les deux chevaliers dont les chevaux se mirent à galoper l’un vers l’autre à travers la clairière. Une joute entre les deux hommes allait suivre. Leurs épées luisaient dans les éclats du feu. Elles semblaient en or et avaient une forme bizarre. Arnaud se rendit compte qu’elles n’étaient pas des épées mais des serpes. L’un des deux hommes était-il Tal ? Ils étaient trop grands et minces pour ça.

          Le combat, qui avait commencé comme un rituel, prenait une autre dimension au fur et à mesure que le temps passait. Les deux hommes semblaient se haïr car tous les coups semblaient permis. Le sang giclait de leurs plaies ouvertes et à chaque fois que l’un semblait avoir été frappé à mort, il se relevait. Arnaud était horrifié par la scène mais ne pouvait fermer les yeux. Il était fasciné. La femme voilée ne réagissait pas. Elle ne semblait ni surprise ni choquée.

                Couverts de boue et de sang, les deux chevaliers se massacraient. Ils étaient de force et de talent égaux. Ils allaient s’entretuer. Pourquoi tant de haine et de rage ? Quel était l’enjeu de ce combat à mort ?

            Ils s’effondrèrent tous les deux, rampèrent l’un vers l’autre jusqu’à ce que leurs bois s’entremêlent, puis le chevalier du houx fit un geste vers la femme voilée. L’étoile se remit à tourner, cette fois-ci de plus en plus vite. Le chevalier parut empli d’une force renouvelée. Il se mit à agiter la tête avec furie. C’était comme si l’étoile nourrissait son énergie. La tête du chevalier du houx, dont les bois étaient accrochés aux bois de l’autre, semblait bouger de façon encore plus frénétique jusqu’au moment où, comble de l’horreur, elle se détacha de son corps et roula jusqu’aux pieds de la dame.

            L’étoile s’arrêta immédiatement et perdit toute sa clarté, devenant d’un noir opaque, ourlé d’une lumière sépulcrale. Le chevalier se leva à grand peine puis marcha lourdement vers la dame. Arrivé devant elle, il se pencha pour saisir la tête sanglante de son adversaire et la lui tendit en un geste d’offrande. Un jet de sang éclaboussa la dalle de pierre juste devant le visage d’Arnaud ; une nausée gigantesque l’envahit et il perdit connaissance."


Le teaser de La Voix de l'Égrégore sur Youtube : "La Voix de l'Égrégore" teaser décembre 2019 HQ (youtube.com)